La pensée binaire
Il y a 10 sortes d’individus : ceux qui comprennent le binaire et ceux qui ne le comprennent pas. 1
Blague à part, le mode de pensée de binaire, c’est celui des individus qui manquent de nuances. Pour eux, le monde est en noir et blanc. Il fait beau ou il fait mauvais. « Ça va » ou « ça va pas ». « J’suis content » ou « J’suis pas content ». « C’était super » ou « c’était nul ».
Évidemment, si le monde est vraiment comme ça, « tout noir » ou « tout blanc », il n’y a pas à se prendre la tête, il n’y a pas trop à réfléchir. C’est bon ou c’est mauvais. C’est la bonne décision, ou bien c’est une connerie.
Nous avons probablement tous passé, au cours de notre histoire de vie, une étape lors de laquelle nous avons testé ce mode de pensée. Et nous avons fini par nous rendre compte que ce n’était pas si simple.
Il y avait parfois de multiples possibilités qui s’offraient à nous et nous avons dû admettre qu’il n’y en avait pas juste « une bonne et une mauvaise ». Parfois, nous avons dû choisir « la moins mauvaise ». Parfois, nous nous sommes rendu compte après coup qu’une bonne idée tournait en catastrophe. Ou bien — plus souriant — qu’un choix qu’on n’aurait pas fait spontanément s’avérait en fin de compte très favorable.
Et puis nous avons pu constater que telle personne qui ne nous plaisait pas au premier abord pouvait se révéler très fiable et secourable. Que le temps maussade pouvait être poétique. Que les chefs d’œuvres n’étaient pas forcément parfaits à tout point de vue.
En choisissant une voiture, nous avons bien dû admettre que, avec n’importe quel budget, que ce soit une voiture neuve ou une occasion, il n’y en avait aucune qui correspondait exactement à tous nos critères.
Nous avons aussi remarqué que les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets. Et que les mêmes effets ne sont pas forcément le résultat des mêmes causes.
Nous avons donc, avec l’expérience, appris :
- à nuancer
- à évaluer plus d’un critère
- à réviser nos évaluations
- à optimiser.
En un mot, nous sommes sortis du « tout ou rien », de la pensée simpliste et nous sommes parvenus à un certain degré de « pensée complexe ».
Bien. J’ai dit « nous », car je pense que c’est votre cas également. Alors, maintenant, s’il vous plaît, suivez-moi dans le raisonnement suivant.
On n’est pas choqué, on ne s’offusque pas, si l’on voit un enfant raisonner en « tout ou rien ». Mais jusqu’à quel âge ? Difficile à dire, n’est-ce pas ? Mais en tout cas, ce que l’on peut dire, c’est qu’à partir d’un certain niveau d’éducation, cela n’est plus très admissible. Voir le monde en « tout noir ou tout blanc », c’est un peu enfantin. Ou un peu bébête. Ou un peu primaire. J’en connais même qui oseraient dire que c’est un peu con.
Alors, lorsque, sur des questions importantes de société, on appelle les citoyens à voter et que la seule réponse possible, c’est « oui » ou « non », est-ce que c’est parce que ceux qui posent la question sont trop c… pour envisager d’autres réponses possibles ? Ou bien est-ce que c’est parce qu’on prend les citoyens pour des c… ? Ou bien parce qu’il faut que le plus con moins intelligent des citoyens comprenne la question ?
Excusez-moi pour ce langage à la François Cavanna, mais c’est une vraie exaspération que je ressens là. Dans l’exercice de ma profession, je dois régulièrement répondre à des formulaires qui ont manifestement été élaborés par des bureaucrates extrêmement « binaires ». Et ça commence à me lasser. Je trouve cela très « siècle passé ». Et même très bête.
Je pense que je vous donnerai des exemples, à l’occasion.
le 4 septembre 2010
- C’est un gag d’informaticiens ! Le nombre 10, en binaire, correspond à 2 dans le système décimal. Nous sommes bien d’accord : on n’est pas censé le savoir, si l’on est ni informaticien ni mathématicien. 😉 ↩
A un projet de loi (le référendum en est un, on finit toujours par répondre au final par oui ou par non. C’est au débat qui le précède que toute la gamme des nuances s’exprime.