Les toxiques relationnels
Mise à jour de mai 2024
(J’ai publié ce texte en 2010. Depuis, j’ai mis en place un site internet plus vivant — Légèrement sérieux, sérieusement léger — et j’y mets des pensées plus élaborées et des documents plus complets. Voici la version actualisée de la présente page → toxiques relationnels)
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Chacun connaît, sans aucun doute, la situation suivante : on se trouve en compagnie d’une ou plusieurs personnes. Tout va bien, chacun se sent bien, l’atmosphère est sereine, les échanges harmonieux. Mais tout d’un coup, on ressent que « quelque chose ne va pas ». On éprouve un vague malaise, ou bien même un malaise profond. Que s’est-il passé ? Il y a fort à parier que quelqu’un a émis un toxique relationnel.
J’utilise l’expression « toxique relationnel » pour désigner tout comportement qui empoisonne les relations. Certains de ces comportements sont très évidemment toxiques. Mais d’autres n’en ont pas trop l’air, à première vue. Ils le sont quand même, à la longue. Comme pour certains aliments, « c’est la dose qui fait le poison ». Mais, à la différence des aliments, ils ont toujours mauvais goût et il vaudrait mieux les éviter complètement. En voici une liste, pas forcément exhaustive :
- Les insultes
- La moquerie
- Les critiques
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Les reproches explicites
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Les commentaires déplacés
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Rabaisser l’autre, se mettre en « position haute »
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Les jugements dépréciatifs
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Le dénigrement
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La non-fiabilité : mensonge, engagements non tenus, rendez-vous manqués, etc.
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Les questions intrusives
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Les questions stupides, répétitives
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Les menaces, le chantage
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Les conseils non sollicités
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Râler, se plaindre
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La contradiction systématique
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La bouderie
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La non-réponse aux questions sensées et légitimes
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Les accusations sans fondement
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La provocation
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La fuite [de la relation, de la discussion]
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Le négativisme, le défaitisme, le catastrophisme
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Le contrôle :
- télécommande / injonctions / interdictions
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espionnage / surveillance
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Les ordres
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Les « leçons » [qu’on veut donner]
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La médisance
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Les reproches implicites
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La logorrhée
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Se poser en tant que victime (des circonstances, des autres, de la vie, du destin, de son interlocuteur…)
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Le mépris, le dédain, la suffisance
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Rechercher l’approbation à tout prix, rechercher des compliments
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Vouloir « avoir raison »
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Exiger que l’autre « reconnaisse qu’on a raison »
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La flatterie, la flagornerie »
Cette liste, sans ordre apparent, en a quand même un : vers le haut de la liste, se trouvent les comportements que l’on apprend éviter très tôt dans la vie — on apprend aux enfants de 6–7 ans à ne pas se moquer, ne pas mentir, etc. Vers la fin de la liste se trouvent des choses plus sophistiquées, que l’on apprend plus tard à éviter. D’ailleurs, tout le monde ne le comprend pas ; c’est une preuve de maturité [psychoaffective] que d’être capable d’éviter d’utiliser même ces toxiques-là !
Implications
Il est de toute manière intéressant de poursuivre l’objectif « zéro toxiques relationnels ». C’est un objectif ambitieux, mais accessible.
L’objectif « zéro toxiques relationnels » est compatible — et cohérent — avec les principes qui sous-tendent la communication non violente. Autre raison de poursuivre cet objectif.
Chacun est responsable de ne pas émettre [trop] de toxiques relationnels. Si l’on est exposé à des personnes qui en émettent couramment, il convient
- de se protéger
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de limiter l’exposition, autant que possible.
Si l’on est convaincu du principe « éviter autant que possible de produire des toxiques relationnels », il faut se garder de toute complaisance envers soi-même. Ce n’est pas parce que « les autres » utilisent des toxiques, qu’on peut se les autoriser. Ce serait nuisible. Et c’est inutile, comme nous le verrons.
Comment se protéger ?
Face à certains comportements toxiques, il convient de signifier clairement qu’on n’a aucune envie, ni intention, de les tolérer. C’est le cas de pratiquement tous les comportements du haut de la liste. On a le droit — et peut-être même le devoir — de dire « ceci est inacceptable et j’entends que tu renonces à faire ou dire des choses pareilles ! » On peut le dire sur n’importe quel ton (humour, sérieux, sévère, en grondant), selon la situation et l’humeur du moment. Mais de toute façon, il faut le dire d’une manière non équivoque. « Qui ne dit mais consent. » Ne rien dire, c’est accorder le « permis de chasse ». Si l’on a affaire à une personne immature, celle-ci aura de la peine, ou bien refusera, ou bien sera carrément incapable de comprendre ; on ne perdra donc pas trop de temps, ni d’énergie à expliquer. Il faut juste obtenir du « casseur d’ambiance » qu’il respecte certaines limites. On les lui pose donc, sans état d’âme, sans méchanceté, mais avec fermeté. Et il faudra le faire régulièrement. À la moindre alerte, « paf ! pan sur les doigts ! »
Autre stratégie possible : il faut savoir « ne pas se laisser intimider », « ne pas se laisser déranger », « ne pas répondre », « ne pas alimenter le débat ». C’est un peu de tout cela qu’il faut user face aux comportements du milieu de la liste. Tout en montrant clairement à l’autre que ça ne nous touche pas, mais que, s’il tient quand même à la relation, il a intérêt à éviter de fonctionner sur ce mode-là. C’est manifestement ce genre d’attitude qu’il convient d’avoir faces aux questions intrusives, à la provocation, à la fuite, par exemple. On peut dire « je t’interdis de m’insulter ». Mais on ne peut pas dire « je t’interdis de ne pas répondre ! » Alors on peut très bien faire entendre à l’autre que « ne pas répondre, ce n’est pas la meilleure manière de résoudre la question ». Évidemment, s’il persiste dans son attitude, ce sera à nous d’en tirer les conséquences.
Pour les comportements plus « sophistiqués », du bas de la liste, le problème se pose encore différemment. Comment obtenir de quelqu’un qu’il ne soit pas méprisant ? Qu’il renonce à « vouloir avoir raison » ? Qu’il renonce à la flatterie ? C’est évidemment impossible ! Alors, il nous reste à hausser les épaules, ne pas être dupes, ne pas faire la même chose. Et surtout, prendre note ! Car ces comportements en disent long sur la nature du personnage qui les affiche. Probablement la seule arme qui puisse fonctionner, c’est le second degré, voire l’humour. Face à la flatterie, par exemple : « Bon, maintenant que tu m’as caressé dans le sens du poil, qu’est-ce que tu voudrais ? » La plupart du temps, votre vis-à-vis se liquéfiera ! Et il finira bien par essayer avec quelqu’un d’autre. C’est ça qui sera le mieux pour vous.
Comment limiter l’exposition ?
C’est de toute façon ce qu’on cherche à faire. Mais il y a des bonnes et des mauvaises façons de le faire.
La pire des façons, c’est d’adopter une attitude de soumission face à la personne toxique et de chercher à la contenter en espérant qu’ainsi elle restera tranquille et bienveillante. En pratique, cela ne fonctionne pas. Et l’on peut très bien expliquer par la théorie pourquoi ça ne fonctionne pas :
- La personne qui, systématiquement, émet des toxiques relationnels, en particulier ceux du haut de la liste, est une personne immature, sur le plan psychoaffectif. Ces personnes immatures ont le don de n’être jamais contentes. Comment contenter quelqu’un qui n’est jamais content ? C’est évidemment impossible. Donc monsieur — ou madame, « Jamais-Content » — continue à émettre des toxiques relationnels à l’envi.
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Ce raisonnement est doublement une fausse bonne idée. Premièrement pour la raison que nous venons d’évoquer. Deuxièmement, parce qu’on donne un pouvoir incroyable à M/Mme Jamais-Content : le pouvoir de décider ce qui est son bon plaisir et donc tout ce que vous « devez » faire pour lui plaire. On contribue ainsi à mettre en place une relation de pouvoir. Et les relations de pouvoir n’ont jamais été ni agréables, ni épanouissantes. Le pire, dans cette (triste) histoire, c’est qu’en l’occurrence, il va même s’agir d’un pouvoir arbitraire.
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Comme dit plus haut, si l’on courbe l’échine et si on laisse les gens émettre des toxiques relationnels sans rien dire, cela équivaut, pour eux, à leur donner un « permis d’intoxiquer ». Ils n’ont déjà pas — ou à peine — la notion que leurs comportements sont toxiques ; et en plus, on les laisse croire que leurs comportements sont licites ? Après, il ne faut pas s’étonner que l’atmosphère devienne de plus en plus irrespirable…
À partir du moment où un individu ne peut pas s’empêcher d’émettre des toxiques relationnels à tout bout de champ — ou bien s’il refuse de faire les efforts nécessaires pour ne plus le faire — on doit le considérer comme une personnalité toxique. Et la façon la plus simple et la plus évidente de limiter notre exposition, c’est de limiter nos contacts avec de telles personnes ! Évidemment, cela signifie, du même coup, laisser la relation s’étioler. Mais est-ce vraiment si pénible ?
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le 2 septembre 2010
Post Scriptum du 3 juillet 2016 : vous pouvez sans autres télécharger une liste à jour de ces toxiques relationnels à cette page du site. Vous y trouvez même deux versions : une version titrée « toxiques relationnels » et une version titrée « Pour une bonne ambiance en ceux lieux ». À part ce titre et les sous-titres, la liste est la même. C’est plutôt cette version « pour la bonne ambiance » que je vous propose d’afficher dans la cafétéria de votre entreprise ou sur votre réfrigérateur.
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