L’argent ou le troc ?
Autour de moi et dans mes lectures, je vois régulièrement refleurir l’idée que l’argent pollue les rapports humains et que le troc, ce serait tellement mieux. Comme à beaucoup de monde, c’est idée m’a eût paru séduisante. Mais en y réfléchissant un peu, j’en suis complètement revenu. Je conçois le simple troc comme une possibilité occasionnelle, entre deux personnes, mais je ne pense plus qu’il puisse être envisagé comme une solution aux perversions permises par l’argent. Je suis même aujourd’hui persuadé que l’argent est un progrès par rapport au troc et que vouloir revenir au troc généralisé, c’est vouloir revenir à la préhistoire de l’humanité. Je m’explique.
L’autre jour, je discutais avec une amie d’un projet de conférence-atelier que je pourrais animer. Elle me suggère que je pourrais, au nom de l’échange de service ou de savoir, ne pas me faire payer. Supposons que j’accepte. Il se trouve que, dans mon appartement, j’ai une batterie de robinets à changer. Est-ce que je vais pouvoir dire à l’installateur sanitaire : « cher monsieur, vous pouvez me laisser gracieusement cette batterie et m’offrir votre travail au titre de l’échange de bon procédés, car, l’autre jour, j’ai donné une conférence pour laquelle je n’ai perçu aucune rémunération. » Supposons que le brave homme accepte. Qu’est-ce qui m’empêcherait, un autre jour, d’aller dans une librairie, de me saisir de quelques livres et de dire au libraire : « cher monsieur, je vous remercie de me laisser emporter ces livres. Je me le permets, parce que l’autre jour, j’ai donné gracieusement une conférence. »
Voici posé, en partie, le problème du troc tel que je le vois. Les tenants — que je dirais « intégristes » — du troc diront que l’installateur sanitaire devrait se fier à ma bonne foi et qu’il pourrait, de bonne foi, pratiquer de même avec son fournisseur de fromage ou de mazout pour chauffer sa maison. Et ainsi de suite. Et ils soutiendront sans doute que c’est mon sens moral qui devrait m’empêcher de tenir le même discours au libraire de mon exemple. Je suis très flatté si vous me créditez de ce sens moral. Mais vous conviendrez qu’aujourd’hui, en 2012, on est très loin de pouvoir attendre de tout le monde un tel sens moral !
Une solution à ce dernier problème consisterait à ce que l’organisateur de la conférence — à supposer que ce ne soit pas moi-même ! — me signe un bon à faire valoir sur un bien ou un service. Fort bien, mais quel bien et quel service? Car vous conviendrez avec moi qu’une batterie de robinet ou un violon, c’est assez différent. Autant je trouverais assez équitable d’échanger le travail d’une conférence contre une batterie de robinets, autant je trouverais extrêmement abusif d’échanger le dit travail contre un violon !
J’ai déjà laissé entendre ce que je pensais de l’idée de faire appel au sens moral de tout le monde : complètement utopique, en 2012. J’entends déjà certains intégristes du troc dire « revenons à plus de simplicité ! Pas besoin de violons ! » Bien sûr. Contentons-nous de tapper contre les troncs d’arbre avec des bâtons et soufflons dans des os évidés. Nous voilà revenus à l’aube de l’humanité. Balayons toute culture, supprimons l’art ! Il ne nous restera plus qu’à réinventer le feu et tout ira bien !
J’ironise, bien sûr. Pour revenir au point de départ de ma réflexion, il me semble que demander à chacune des personnes qui assistent à la conférence de laisser un billet représentant une certaine somme d’argent en échange du travail du conférencier, du chauffage de la salle, de la fabrication des chaises sur lesquelles elles se sont assises, etc., ce n’est pas abusif ni une mauvaise idée. Que le conférencier échange ensuite les quelques billets qu’il aura reçu contre une batterie de robinet ou une pile de livres, à son libre choix, cela n’a rien de pervers ni de scandaleux. Au fond, cela reste du troc, simplement un peu organisé et même, j’ose le dire, amélioré.
Je ne dis pas que l’argent, c’est la solution ultime à tous les problèmes évoqués plus haut. Je pense seulement que c’est une assez bonne réponse provisoire, compte tenu de l’organisation actuelle de la société et du niveau de moralité global. Les problèmes que l’on dit liés à l’argent sont en fait des problèmes de moralité et de conscience qui restent à résoudre :
- L’avidité et la course au prestige qui font exagérément monter les prix.
- La sous-enchère qui mène à l’exploitation des plus faibles.
- La spéculation et la monnaie virtuelle, qui sont basées sur des promesses et des espoirs de gains, autant dire sur du vent. Le crash est programmé.
- La suffisance qui consiste à estimer légitime d’obtenir gratuitement des biens et des services.
- L’accumulation d’argent qui ne circule plus, aux mains de certaines personnes ou organisations. À un certain moment, cela crée de trop grosses inégalités. Et c’est une rupture des règles du jeu.
L’argent, par lui-même, ne résout évidemment pas ces problèmes-là. Il n’est pas prévu pour cela. À mon humble avis, il est important de réaliser que la suppression de l’argent non plus ne résoudrait pas ces problèmes-là, car ils sont d’une autre nature.
En ce qui me concerne, je fais la distinction entre l’argent — qui est sain — et le fric — qui est malsain. Il n’y a rien de malsain à participer à l’échange d’argent, qui, je le répète, est une forme élaborée du troc. En revanche, il y a quelque chose de malsain à vouloir « trop d’argent ». Ce que l’on appelle vulgairement, la « course au fric ». Évidemment, on peut disserter longuement sur la notion de « trop ». Une autre fois, si vous le voulez bien.
le 11 avril 2012
Si on pourrais vivre sans argent, en échangent simplement des bien et services et en se rendant service mutuellement se serait le paradis mais malheureusement de l’argent nous en avons besoin pour vivre car la gérance n’acceptera pas un service contre notre loyer,, pareil pour le vétérinaire, les assurances,…
Souvent il nous faut un travail, on prend souvent ce qu’on trouve, c’est souvent pas très passionnant et pas très motivant de se lever, pour y aller, c’est juste alimentaire mais on se dit qu’on a de la chance de l’avoir car c’est ce qui nous permets d’avoir un toit sur la tête, de se nourrir, de payer les frais vétérinaire, de pouvoir partir en vacances pour se changer les idées,…
Par contre il est vrai donner quelque chose ou rendre service gratuitement ça fait tellement de bien à l’esprit…