Morale et spirale dynamique
Pour compléter mon billet précédent concernant la morale, je voudrais livrer quelques réflexions en relation avec la Spirale Dynamique. Tout le monde n’est pas familier avec ce modèle, mais je pense que le sujet de la morale me donne une excellente occasion d’illustrer une application pratique de ce modèle.
La Spirale Dynamique est un modèle qui permet de comprendre le développement psychologique des individus et des sociétés. Ce n’est pas le seul — loin s’en faut ! — et il ne prétend pas non plus être complet. Mais c’est assurément, en pratique, l’un des plus utiles. Il est pertinent, il colle parfaitement aux observations que l’on peut faire, il est fructueux et il est assez facile à comprendre. Autant de raisons de s’y intéresser !
Le modèle de la Spirale Dynamique décrit en particulier la vision du monde des personnes et des sociétés. Il s’intéresse aux valeurs. C’est pourquoi il est particulièrement utile pour éclairer la question de la morale. Dans la suite de ce texte, je vais faire comme si le lecteur connaissait le modèle. C’est pourquoi je parlerai directement en terme de couleurs, qui sont la manière la plus simple de communiquer à propos des différentes visions du monde identifiées par la Spirale Dynamique.
Dernier point, avant d’entrer dans le vif du sujet : pour ceux qui ne sont pas familiers avec les stades du développement moral de Kohlberg, je leur propose de consulter l’article de Wikipedia sur le sujet. Je mets également à disposition un tableau résumé.
Les premiers stades
Au stade beige de la spirale dynamique, on est encore tellement près du monde animal que l’on ne peut même pas parler de morale. L’individu n’est pas encore socialisé, il est uniquement préoccupé par sa survie et sa sécurité.
Au stade violet, l’humain commence à se socialiser. C’est le lieu du besoin d’appartenance chez Maslow. La vision du monde est animiste et mythique. Dans les stades du développement moral, l’individu en est à « éviter la douleur ». Cela correspond aux stades pré-conventionnels de l’échelle du développement moral de Kohlberg.
Le stade rouge de la spirale dynamique correspond à une vision « compétitive du monde ». Seul le plus fort survit. Psychologiquement, c’est le stade phallique. L’individu veut gagner, être le plus costaud, le plus résistant, le plus puissant, etc. La morale de l’individu à ce stade, c’est de respecter celui qui est aussi fort ou plus fort que lui-même. Par peur ou par vrai respect ? Peu importe. Il s’agit toujours d’une morale pré-conventionnelle, pas encore d’une morale conventionnelle.
Les stades adultes
Au stade bleu de la spirale dynamique, on peut commencer à parler de morale conventionnelle. La vision du monde au stade « bleu », c’est celle des « règles et des rôles ». « Si chacun fait son devoir, tout doit bien aller. » L’individu à ce stade n’a pas encore vraiment un « sens moral », mais la société dans laquelle il vit s’est doté d’une morale. Généralement, cette morale est vécue et pensée comme « immanente, universelle et indiscutable ». Du coup, elle est imposée aux individus qui n’ont qu’à s’y soumettre. C’est le souvenir de cela qui fera, plus tard, horreur aux individus au stade « vert » de la spirale dynamique.
Le stade orange de la spirale dynamique correspond à la réussite personnelle, à l’accomplissement scientifique. Un individu « orange sain » devrait avoir conservé la vision morale du bleu, c’est-à-dire qu’il devrait continuer à se soumettre aux règles et à la loi « parce que c’est ainsi ». Mais le plus souvent, obnubilé qu’il est par la performance et la réussite extérieure, convaincu qu’il est que seul ce qui est mesurable est digne d’intérêt, l’individu orange oublie — ou refuse carrément — de prendre en considération tout ce qui relève de l’intériorité. Cela revient, en pratique, à vivre sans morale et sans éthique.
Le stade vert de la spirale dynamique est essentiellement une réaction contre les excès de l’orange. C’est pourquoi il est très écologique, après l’abus et le pillage de la nature opéré par l’orange. Il est aussi multiculturel, en réaction contre le racisme. Il est social, en réaction contre l’individualisme et contre l’exploitation des faibles. Il devrait aussi être moral, en réaction à l’amoralité de l’orange. Malheureusement, il refuse généralement d’entrer en matière sur ce sujet, en réaction contre la pression morale du bleu. « On ne va pas moraliser » ou « on ne va pas faire de la morale » sont deux de ses maximes. Ce qui fait que le monde envisagé par le vert de la Spirale Dynamique est généralement tout aussi amoral que le monde de l’orange. Pourtant, le vert sain, moralement parlant, est aux stades 4½ ou 5 de la classification de Kohlberg : le relativisme ou le contrat social. Mais il refuse d’en faire état ou d’en parler.
La vision post-moderne
Franchissant encore une étape dans son développement, après le vert, l’individu arrive au stade jaune. C’est le premier stade qui soit véritablement intégral, en ce sens qu’il peut intégrer et comprendre les visions de tous les autres. Jusque-là, chacun, du beige au vert, pensait que sa vision était la seule valable et croyait ou souhaitait que chacun voie et pense comme lui-même. Le jaune arrive très bien à changer de perspective et à se représenter le monde de différents points de vue. Du point de vue moral, on peut dire qu’il dépasse le relativisme du vert et qu’il accède au stade 6 de la classification de Kohlberg : « justice et principes éthiques ».
Le monde dans lequel nous vivons
Ce qui occasionne le plus de problèmes, ce sont les aspects les moins sains des différents niveaux de la Spirale Dynamique. Très brièvement dit — veuillez accepter la simplification didactique, qui n’est cependant pas simpliste —, voici ce que cela donne :
- Le niveau violet occasionne les guerres ethniques.
- Le niveau rouge nous donne la pègre et les mafias.
- Le niveau bleu nous donne le conservatisme et les intégrismes religieux.
- Le niveau orange nous donne le capitalisme sauvage et la dictature de l’argent.
- Le niveau vert nous donne le politiquement correct et la déresponsabilisation individuelle par excès de tolérance et par le refus de la réflexion morale.
Ceci posé, il devient assez facile de comprendre pourquoi nous vivons dans un monde qui a l’air de n’avoir plus de morale ni d’éthique. C’est dû au fait que la société industrielle et capitaliste est régie, dominée et gouvernée, en très grande majorité, par les forces « oranges » et « vertes » de la spirale dynamique. L’orange n’a pas de cœur et refuse de s’intéresser à l’intériorité. Le vert, pris dans les filets de sa tolérance extrême et de son relativisme, refuse de moraliser. C’est aussi simple que cela. Mais pas plus simple.
Que chacun réfléchisse à ces considérations et la sagesse immanente de l’Univers finira bien par faire émerger des solutions ! J’en ai la conviction profonde et inébranlable.
le 27 février 2013
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